Encore là mais plus tout à fait



La vie a un commencement et a une fin...
Il était là à mon commencement, je serai là pour sa fin.

Ce matin, en écoutant en aléatoire de la musique, Deezer m'a joué  un morceau, celui ci : PREMONITION

J'ai prêté attention, mais qu'à moitié.. le morceau est joli et le mot sonne.. fatalement.
Alors, je l'ai gardé dans un coin de ma mémoire. Ce soir il s'est rappelé à moi.
Les signes......

C'est l'été et j'aime cette saison, où la chaleur me fait gonfler les jambes, où la sueur perle à mon visage brillant, où les jours sont longs, les nuits douces et les moments de convivialité se succèdent.

C'est aussi le temps des grandes vacances, celles que l'on attend toute l'année parce qu'elle nous permettront d'être presque insouciants, libres et jeunes.

J'avais prévu de partir à Madère, l'île aux fleurs ce 1er aout mais ça, c'était avant cet après midi.
Ma mère m'a dit ce matin, au téléphone alors que je lui disais que nous viendrions boire le café avant de prendre la route pour le Var " Tu dois vraiment partir ?"... J'ai compris ce que cachaient ces mots et pourtant, je ne voulais pas les entendre.

Mon père, ce héros...
Celui qui se bat depuis des années, depuis 2002 contre d'abord un cancer de la prostate et puis, aujourd'hui, de tout le reste....
"Barbara, si tu pars, je ne sais pas si tu le reverras". J'ai entendu sa voix se tordre, trembler. Puis "Il faut que tu le vois pour t'en rendre compte. ça fait 2 jours qu'il ne se lève plus"... Alors j'ai décidé qu'A partirait seul, cet après-midi dans le Var. Et que nous allions passer avant son départ, boire le café avec eux.

Mon père, ce héros...

Il était là, sur le canapé, exactement au même endroit que je le vois depuis des mois, dans son pyjama, version hiver et été.... Il a maigri, il est blanc... 4 jours qu'il n'a rien mangé, qu'il ne boit presque plus rien. Il est là.. encore plus petit, plus petit que ses 1,65 m...
Il a ouvert les yeux et m'a souri et j'ai mon coeur qui s'est serré. Je n'ai pas regardé ma mère, mais A a croisé mon regard. Il a compris. J'ai refoulé mes larmes. Papa n'aime pas que l'on s'apitoie sur son sort.
Mon père c'est un héros, un héros digne. Mais son regard n'est plus tout à fait là..
Il s'endort, il somnole, sa bouche s'ouvre sa poitrine se soulève.. son souffle est court et parfois sa cage toracique tressaute... je l'observe.. je lui prends la main.. je revois mon grand père, son père. Je ne pouvais pas imaginer mon père ainsi. Mon père c'était mon héros, le héros de mon frère.
Sa peau est marbrée et des veines ont éclatées sur ses main. Je plaisante.. "Les stigmates de jésus sur la croix.... Fais voir tes pieds?"....Son sourire est pâle. Son oeil, ses yeux kaki ne sont plus les mêmes. Lorsqu'il se réveil son regard est presque fou. Comme si il revenait à lui. mais d'où revient-il? Où s'apprête t'il à partir ?
"Ca va papa?".... tu as mal ? sa tête hoche imperceptiblement.... Et c'est moi qui ai mal.

Ma mère est perdue, ma mère est à bout alors elle parle, elle occupe l'espace, le temps de paroles, elle me coupe sans cesse.. et puis elle sait mieux que tous, il faut qu'il boive même si il a mal au coeur, il faut qu'il reste réveillé même s'il n'en n'a plus la force.. Il faut qu'il reste en vie.; coute que coute parce qu'elle ne sait pas vivre sans lui..54 ans de mariage... elle a peur, elle pleure, se ravise.. elle est perdue.
Et moi je tiens, j'aimerais que mon frère soit là. Il descend samedi. Ce matin, il me l'a dit au téléphone. Il ne pense qu'à papa lorsqu'il est seul.. ce matin, de 6h à 7h, il a erré dans sa ville, seul, à pleurer...  notre père, son héros.
Mais samedi c'est loin.... il n'en n'a pas conscience. je l'ai vu, je le sais. A 450km, il ne peut pas imaginer... et tant mieux.
Sa fille se mariera en avril 2019 elle a dit à son grand père "Pépé, tu tiendras, dis.. tu seras là pour mon mariage"... Il l'a rassuré, bien sur..... C'était il ya 10 jours... ce soir maman m'a dit "Il ne sera plus là pour le mariage".... maman, voyons........ je le sais depuis le début.

Maman c'est une petite fille qui pense que si on n'en parle pas, ça n'arrive pas....
Ce soir elle m'a parlé.....

mes yeux à moi sont ouverts depuis bien longtemps... et j'apprivoise ce moment...
On s'en approche et ce soir, je ne l'ai jamais senti si proche.

Avant de les quitter, vers 21h30, j'ai aidé ma mère à coucher mon père. A deux pour le soutenir.
Installé sur le lit... je l'ai regardé...les pensées les plus noires m'ont traversé l'esprit.
"ca va papa?".. "on fait aller....." à peine audible.. une phrase que l'on a convenu tous les deux. Que dire d'autre ?

Je lui ai pris la main une fois de plus... ses yeux voulaient me parler... aucun son n'est sorti de sa bouche... Papa, que veux tu me dire.....?... je suis partie après l'avoir embrassé sur le front et susurré un "je t'aime" au creux de l'oreille... son pale sourire... et son regard... il est là... mais il s'apprête à traverser ... je le sais....

J'ai rejoint ma mère sur le canapé, elle pleurait. je lui ai pris la main... elle a peur. J'ai peur.
maman c'est la vie.... ces années passées depuis 2002, ce ne sont que des années bonus.
Il a vu grandir ses petits enfants. Il sait ses enfants heureux.
Maman je pleure ce soir. Et je suis seule aussi.....

Je n'habite qu'à 100 m de chez eux. Sur la route du retour que j'ai parcouru très très lentement comme si je les faisais avec lui, j'ai croisé une voiture, toutes vitres ouvertes et la musique à fond....
ASTURIAS

Ce morceau... ce morceau... c'était en 96.... dans l'église Saint jean de Caen...pour les obsèques de mon ex beau-père.....

ce soir, j'avais besoin d'écrire tout ça, parce que je suis seule.. seule avec mon chagrin.

Ma mère souhaiterait que papa soit hospitalisé demain. J'espère qu'une place sera dispo.
J'espère que les miracles existent...
Qu'il tienne encore un peu....

ce soir je suis une petite fille qui pense que si elle le souhaite très fort, son voeux se réalisera....

Commentaires

Françoise a dit…
Bonsoir Barbara
Je ne lis que très peu les blogs en ce moment, je n'ai guère le temps, et j'ai pris de la distance aussi d'avec la blogosphère, mais ce soir j'ai eu envie d'aller voir s'il y avait de nouvelles publications, juste comme ça, et j'ai vu que tu avais publié sur ton blog. Je suis venue, je suis là, je te lis, et je suis infiniment touchée par ton billet. Non, tu n'es pas seule, tu sais, j'ai traversé de tels moments, et je comprends ce que tu peux ressentir. Juste ce mot pour te dire que je suis avec toi par la pensée, que je pense à toi très fort, que je pense à ton papa, ta maman, ton frère. Je t'embrasse très très fort, Barbara.
barbara a dit…
Bonsoir Françoise,
je te remercie de t'être arrêtée ici, sur mes mots.
J'ai écrit tout ça parce que même si je suis quelqu'un qui "parle" beaucoup, qui exprime ses sentiments, ce sont les ressentis qui sont difficilement explicables, que j'ai du mal à partager oralement...peut être certaines personnes penseront que je manque de pudeur en écrivant autant d'intime mais si je les garde, tout ça m'étouffe.
J'ai perdu mes grands parents lorsque j'étais petites et puis mon amie Delphine lorsque j'avais 23 ans et elle 20.
Mes grands parents, j'avais 12 et 17 ans. Je n'ai pas eu ce sentiment de tristesse que j'ai pu ressentir lorsque Delphine fut emportée de la Leucémie. Sa mort ma marquée à jamais et j'en suis consciente. Je pense aussi que d'une manière ou du autre, elle a influencé ma vie.
Mais ce soir c'est tellement différent encore. Peut être parce qu"aujourd'hui j'ai presque 48 ans et que j'ai pris conscience de cette pente sur laquelle nous glissons tous inexorablement. Parce que aujourd'hui, ce sont mes parents et les prochains... C'est nous.
Je le souhaite, ça voudra dire que la vie s'est bien déroulée.
Il est plus d'1h du matin et je n'arrive pas à dormir alors que le ventilateur tourne face à moi et que mon amoureux dort à mes côtés.
Mon frère est arrivé ce matin et c'était bon de le serrer dans mes bras. De pouvoir pleurer avec lui, de rire avec lui, de boire avec lui, de lui prendre la main et de l'entendre me dire "On est con hein... mais on s'aime" les yeux rougis.

Merci Françoise pour tes gentils mots qui me font du bien.
C'est tellement plus facile avec des gens que l'on ne connait pas qu'avec ses proches ou ses amis dans ces moments si durs..
Alors merci encore.
je t'embrasse fort.
Françoise a dit…
Ton papa est donc parti cette nuit, Barbara. Ta maman le savait, ton papa ne devait pas l'ignorer non plus. Il est parti entouré de sa femme, de ses enfants, c'est ce qu'il désirait certainement. Il va te manquer, mais il ne sera jamais bien loin, j'en suis sûre. Continue à lui parler, il t'entendra où qu'il soit. Je t'envoie mes plus affectueuses pensées, et je t'embrasse très très fort, Barbara.

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