Elle rode.... La mort

Il y a quelque temps, j'écrivais sur la mort, ce mot si tabou que certains n'arrivent même pas à prononcer. Ces derniers temps, disons en l'espace de 10 jours, ce mot est devenu omni présent dans les discussions que j'ai avec les uns et les autres.
Ca a commencé par un mail m'annonçant la victime du terrible accident de l'autoroute A7 et qui a fait 4 morts.
Cette femme, cette danseuse de 40 ans que je ne connaissais pas et qui, pourtant, est intimement liée à mon histoire, à une histoire d'amour. Une mort que j'ai prise en pleine face tellement elle est violente et inacceptable. Tellement j'ai pensé à celui qui en était fou d'amour. J'ai pensé à quel point je l'ai détestée, à quel point à une période j'aurais aimé qu'elle n'ait jamais existé. Et à l'annonce de cet accident, je me suis sentie honteuse, stupide et égoïste.... nous étions amoureuse de ce même homme et je le savais fou d'elle mais je le voulais à moi et j'acceptai qu'il respire "elle", qu'il crée "elle", qu'il parle d'elle dans ses tableaux, ses photos, ses objets, dans ses rêves. Son fantasme, son amour impossible.. alors j'étais là... et puis notre amour fut aussi impossible, invivable, instable et toxique.
Alors je l'ai quitté. Ces mots durs que j'ai eu pour elle et sa danse, pour cette adoration qu'il avait pour elle et que je ne pouvais plus supporter me sont revenus, m'apparaissant tellement dérisoires, tellement puérils, misérables et médiocres. Aujourd'hui elle n'est plus là et mes mots ont été posés.

Et puis il y a la mort de la tante de mon ex mari. Une femme forte, de caractère, née un 4 novembre, comme moi, vaincue par un cancer des poumons.

La mort rode et ce soir j'avais envie d'écrire sur elle comme pour la défier !
je la sais tellement proche, à l'affut du dernier souffle de mon père, mon papa qui a eu 77 ans le 1er aout.

voilà 5 jours qu'il a été hospitalisé et aujourd'hui, il a été mis dans une chambre, seul. Il est face à la mer. Mais cette vue n'est que pour nous puisqu'il ne se lèvera sans doute plus jamais de ce lit.

Il est là, son regard fixe. Il regarde le plafond quand il ne ferme pas les yeux. Parfois une phrase qui sort, on ne sait d'où "Et comment va la maman d'Alex?".. Alex c'est mon amoureux, sa maman a eu un cancer et elle est sous contrôle régulier. Ca semble aller. Sinon, ce ne sont que des mouvements de tête pour oui ou non, des clignements d'yeux "papa, fais nous un clin d'oeil".. oeil droit, oeil gauche et il nous les fait. Il a encore de l'humour "Papa, je t'aime..;" "Ah oui? C'est vrai?"... "Et toi papa, tu m'aimes?" "Oh, un petit peu"....
Mon papa...

J'ai le sentiment qu'à l'interieur de ce corps, de cette enveloppe, de ce carcan, il y a un esprit encore vif.. mais il est épuisé, épuisé de toutes ces batailles livrées depuis tant d'années contre cette saloperie alors il ne bouge plus, mais sa tête fonctionne.
J'ai peur qu'il ne se voit ainsi, en toute conscience. Lui qui voulait rester digne.. Il l'est mais son corps ne répond presque plus. Les piles sont usées.

Je peux dire qu'il représente la personne la plus courageuse que je connaisse. Jamais je ne l'ai entendu se plaindre, il a toujours essayé de nous rassurer, rassurer ma mère, rassurer mon frère et ses enfants à 500 km. Mais je n'étais pas dupe.
Pour ça qu'un jour quand maman m'a dit "Il ne réagit plus, il se laisse aller, je vais appeler son médecin pour voir ce qu'on peut faire".....je savais qu'il ne se laissait pas aller, il ne pouvait tout simplement plus se battre car il en avait perdu pas l'envie, pas le courage, mais la force.

Mon frère est arrivé ce matin, il voulait lui parler mais il n'est pas arrivé à lui dire la moitié de ce qu'il voulait. Il voulait lui dire qu'il pouvait partir en paix, qu'on était là, qu'on ne l'oublierait pas et qu'on s'occuperait de notre mère"..; Mais il n'y est pas arrivé. Peut être devons nous être tous les deux pour lui parler, le rassurer et surtout se soutenir.
Une infirmière est venue parler avec nous et nous a encouragés à le faire. Il fallait, pour lui et pour nous.

demain, tout à l'heure en fait, mes neveux arrivent.. ils viendront lui dire bonjour et adieu, sans doute...Peut être est ce ce qu'il attend?

Lorsque je ne le vois pas et que je suis avec ma mère, j'ai l'impression qu'elle est déjà veuve et que mon père n'est plus là, comme effacé et je culpabilise. C'est sans doute mon cerveau qui se met en sécurité... pour ne pas souffrir. Et je besoin de me rappeler que j'ai un père qui est là, encore mais qu'il va partir car je me sens honteuse de me dire que je peux l'oublier. Je suis dans cette culpabilité égoïste  de ne pas vouloir souffrir. Ces sentiments contradictoires sont difficiles à faire cohabiter dans ma tête et dans mon coeur sans doute pourquoi je les couche sur ce blog.


Commentaires

yves a dit…
Bonjour Barbara,

Je ne te connais que par l'intermédiaire de ce blog mais j'ai été très ému par ce que tu écris sur ton Papa pour avoir vécu une situation semblable.Ce sont des moments terribles à supporter avec ce sentiment d'impuissance que l'on ressent.
On ressent l'amour que tu as pour lui et c'est ce qui fait qu'il sera toujours là, dans ton cœur.
je te souhaite plein de courage.

Yves


Françoise a dit…
La mort, je la connais bien, elle est venue faucher mon père, ma mère, mon frère. J'ai trouvé cela tellement injuste, surtout pour mon frère, mais j'ai accepté, je n'avais pas le choix. Bien sûr que ma peine s'est adoucie, mais nos chers disparus nous manquent, surtout certains jours. Il suffit d'une odeur, d'une musique, d'un mot.
Comme je te le dis sous ton autre billet, je suis de tout coeur avec toi, Barbara. Ton papa est allé rejoindre d'autres qui sont partis avant lui. Tout comme je l'ai fait lorsque j'ai perdu mon frère, j'imagine qu'ils se retrouvent dans un autre ailleurs. Mon frère disait souvent : nous ne sommes que de passage sur cette Terre. Où sont-ils maintenant ? Je ne sais pas, mais je suis persuadée que là où ils se trouvent, ils sont bien, et aussi qu'ils veillent sur nous, qu'ils sont avec nous, toujours. Je t'embrasse très fort, Barbara.
barbara a dit…
Yves, merci pour ton commentaire. C'est tellement plus facile de parler de ce genre de choses à des "étrangers". Oui, des moments difficiles. Mais j'aurais envie de dire quelque chose qui me parait impensable mais qui fera sans doute l'objet d'un billet complet. Ce fut tellement plus difficile d'en parler avant,... qu'après.
Mon père est parti. Et la vie est toujours là. Différente sans doute. Je vais m'y faire. Nous allons nous y faire.
ce matin, lors d'une émission sur France Inter "Une bonne dose d'Eté"... le thème "Et si on décidait d'être heureux", une phrase m'a touchée...
"ll faudrait essayer d'être heureux, ne serait-ce que pour donner l'exemple."...
Voilà.. Je le dois à ma mère, mon frère, ma fille, mes neveux et nièces... et puis à mon père, qui aimait la vie..
Bonne journée Yves.
barbara a dit…
Chère Françoise,
toi qui me suis ici et là-bas.. tu as su.
Eh oui, papa s'en est allé rejoindre les étoiles.
je relisais mes billets de février où je parlais de la conversation que j'avais eu sur la mort avec lui. J'en suis tellement contente.
Je crois qu'il est parti serein et apaisé, conscient de notre amour à nous, et de notre bienveillance pour chacun de nous, pour l'autre, pour nous qui restons sans lui, la Patriarche. Notre pilier.
Comme toi, je ne sais pas où il est parti mais j'aime à penser qu'il a rejoint les siens, ses parents, ses beaux parents, ses beaux-frères et ma Delphine et que de là bas, quelque part, il veille sur moi, il veille sur nous.
Etrangement, une fois mort, je ne l'ai plus ressenti. je m'explique : je l'ai vu mort.; Ca faisait 1 h, à l'hôpital. Je l'ai vu au reposoir le lendemain. J'ai vu son cercueil puis j'ai vu son urne. Pourtant, pour moi, ce n'était pas lui, il n'était plus là. Son corps n'était qu'une vieille écorce mais comme dit le Petit Prince, "ce n'est pas tristesse vieille écorce".. Pourquoi ? Parce qu'au coeur de l'écorce il n'y a plus rien, ce n'est qu'une enveloppe; Le plus important, ce qu'il reste de lui se trouve maintenant au plus profond de notre coeur, de nous et partout tout autour.
C'est encore tout frais, mais je ne me sens pas inconsolable. Parfois, un rien me fait chavirer. des choses toutes bêtes... insignifiantes... Mais ça passera ou pas. Je ferai avec.
Merci pour ta douceur et tes mots qui me font du bien depuis tant d'années maintenant, même si nos échanges ne sont pas réguliers.
je t'embrasse

Posts les plus consultés de ce blog

INDE 3

BALI - Jour 4

Bali - Jour 3