Narcolepsie
Ces souvenirs remontent au lycée..
Les matins étaient toujours très difficiles. A l'époque, je ne savais pas grand chose de sa vie de jeune adulte. J'ai appris plus tard qu'elle faisait quand même beaucoup la fête. Leur appartement en plein centre de Nice était idéal.
Régulièrement mon père lui disait "Ana, tu es une feignante ! Allez, un peu de volonté ! C'est pas normal que tu dormes autant". Ses nuits n'en finissaient par de s'étirer sur l'après midi. Et ses jours sur les petits matins.., c'était la révolution dans ses cycles.
Après une consultation chez le médecin, elle fit un stage de 2 nuits à l'hôpital pour analyser son sommeil. Un diagnostique est tombé, celui d'une hypersomnie idiopathique sans doute de la narcolepsie. A poursuivre.... Mais dans cette famille, on commence tout, on ne fini rien... Même les consultations de médecins...
Le fait le plus marquant, celui qui nous a fait comprendre qu'effectivement, il y avait quelque chose, c'est ce jour où elle devait passer un oral pour sa licence.
Elle m'avait demandé de la réveiller à 7h. C'était un lundi. Alors je l'ai appelée tandis que je me préparais pour aller au boulot pour 8h. Et je l'ai appelée et appelée 10, 20, 30 fois. Et je me suis inquiétée, beaucoup, j'ai appelé mes parents... à leur tour de s'inquiéter beaucoup.
A 8h, j'ai décidé de me rendre chez elle. Mes parents ont appelé son père. A 8h30 nous étions tous les deux en bas de chez elle, devant cette grosse porte en bois de cet immeuble niçois. Nous étions en juin et il faisait déjà chaud. Son appartement était au 2ème étage. Mais il fallait d'abord passer le hall, puis arrivé à son palier, ouvrir une autre porte qui desservait 2 appartements, le sien et celui de sa voisine. Nous n'avons pas arrêté de sonner à l'interphone, d'appeler... aucune réponse. A la faveur d'un voisin qui sortait son chien, nous somme rentrés dans l'immeuble. Monté les deux étages et sonné, sonné.... appelé.. rien. Nous étions bloqués devant cette deuxième porte en bois.
J'ai appelé un policier avec qui je travaille pour savoir ce que je devais faire. Je commençais vraiment à paniquer. "Les pompiers, tu appelles les pompiers"... Comment? Les pompiers, mais était-ce vraiment judicieux? "Ca sert à ça aussi les pompiers". Alors je les ai appelé. Ils ont hésité entre la grande échelle et la tentative d'ébranler la porte qui me semblait peu résistante. Entre temps son papa était allé sonner dans l'immeuble en face dans la rue pour savoir si de leur fenêtre, quelqu'un voyait quelque chose. Nous sommes tombés sur des gens compréhensifs qui nous ont laissés rentrer pour aller sur leur balcon "Toute la nuit la lumière est restée allumée et la fenêtre ouverte" nous ont ils dit.... la surveillaient ils?
Son F1 avait la cuisine à l'arrière mais la pièce à vivre était bien sur l'avant avec une mezzanine. Du balcon d'en face, on pouvait distinguer une forme sur la mezzanine, mais à savoir si c'était ses nombreux coussins ou un corps... Il fallait que nous rentrions coute que coute.
Les pompiers sont arrivés. Nous sommes montés à l'étage... Ils ont secoué la porte, et la serrure a cédé rapidement. La deuxième porte fut un peu plus récalcitrante. Mais la serrure a finalement cédé aussi.
Je me souviens encore mon réflexe de me jeter dans l'appartement et un des pompier qui m'arrête et me dit "Non, vous n'entrez pas, on y va nous d'abord". J'ai le coeur qui va lâcher. Je regarde son père, je fonds en larmes.... Ils entrent, ils sont 3 ou 4. Je leur explique la cofiguration de la pièce. La meezzanine au dessus ils me demandent son prénom "Anaël"..... quelques secondes plus tard j'entends "Anaël, Anaël, Anaël............" A notre tour de rentrer.
Anaël est assise dan son lit. Elle a 21 ans et son doudou qui pue à la main. Les cheveux hirsutes, l'oeil encore charbonneux de la veille. Elle est en débardeur et culotte, de la bave collée sur sa joue qui confirme bien un sommeil profond. Elle a le regard hagard de quelqu'un qui ne comprend pas ce qu'il se passe...incrédule "Mais, mais, qu'est ce que vous faites là, papa, maman? Et pourquoi il y a les pompiers...." Il est 9h30.... je suis déjà épuisée. Nous lui expliquons tout depuis le début.
Elle regarde son téléphone. Elle a bien mis son réveil. Le téléphone n'était pas en mode vibreur... la centaine d'appels est bien répertoriée sur l'écran : papa, maman, pépé, mémé...
La même semaine, le samedi, une amie a elle a dû faire comme nous.. Pompiers, porte...
Sans doute notre première véritable prise de conscience. Notre fille n'était pas une feignante, elle avait un véritable problème de sommeil.
Et puis cette même année, mon père est décédé, son couple a éclaté.. et elle a voulu partir prendre l'air ailleurs. Cet air nouveau fut Paris.
Elle a vécu avec Mélanie, sa meilleure amie durant 4 ans. Mélanie fut le témoins de ses difficultés. Elle a eu la chance de trouve un job où elle commençait à 13h, jusqu'à 19h. Mais plus d'une fois, elle est arrivée en retard ou pas du tout.
De mon côté je l'appelais tous les jours pour la réveiller. Et tant que je ne l'avais pas eu au téléphone, au bureau, j'étais une bête en cage ! Incapable de travailler, de réfléchir, de me concentrer.. de me raisonner. Et quand enfin, je l'avais, toute cette pression retombait, et je redevenais la Barbara, joyeuse, légère.
Pourtant, bien des fois, elle se rendormait juste après... mais je ne le savais pas forcément. Le confinement a eu raison de sa motivation et du coup de son emploi.
Un crédit plus tard pour faire une école de maquillage... un an plus tard, la voilà avec des pinceaux, des fards, des mood board et très peu de revenus.. en tous cas, pas assez pour vivre.. surtout qu'il ya à présent, un crédit de 270 euros a rembourser par mois et ce pendant 4 ans !
La vie parisienne c'est bien, mais quand on vit en banlieue et sans boulot, c'est mois drôle.
Elle décide un beau jour d'aller vivre à Lyon où elle débarque en octobre. Je vois le rapprochement, elle voit une ville plus petite mais assez grande pour une vie culturelle et variée... un petit Paris.
je lui trouve une super colocation dans le 1ER arrondissement. Pentes de la Croix Rousse; L'appartement et très grand, dans de l'ancien. Une aubaine.. même si le loyer est élevé. Elle réuni 2 autres colloc. Le proprio lui fait confiance. Il est top !
Un boulot dans un restaurant de street food durant 2 mois. Le restaurant n'est pas loin, mais plus d'une fois encore c'est maman qui la réveille, ce sont des retards... En décembre, elle change de job et devient recruteur de donateurs.
Ces personnes qui vous arrêtent dans la rue pour faire souscrire à un don mensuel pour une association. Au début je pense à un job d'étudiant.. mais très vite je comprends qu'il s'agit en fait d'un vrai job de commercial. Elle est super contente, ses résultats sont très vites bons... fait notable, elle commence à 11h le matin. Tout va bien, elle est dehors, ça lui plait, ses résultats sont loués. Les matins restent durs et je la suis toujours pour la réveiller...je reste cette boule de nerfs ...
Il y a des jours après, 20, 30, 40 appels j'abandonne. Lasse et frustrée et malheureuse. Je sais que quand elle va se réveiller elle va se détester. Ce job lui permet de s'absenter. Elle ne travaille pas, elle n'est pas payée. Il n'y a pas de congés payés. C'est elle qui se les fabrique. C'est pour ça que son salaire et plutôt pas mal.. Bien mieux que le mien. Mais moi, pour rien au monde, je ne ferai ce qu'elle fait.
Et puis elle part une semaine en été vers Perpignan avec des amis. Une semaine qui la rend heureuse.. Tout va donc bien... et puis, un samedi soir d'été, juste à son retour, une mauvaise rencontre.
Elle connait mes craintes et mes angoisses la concernant. Elle attend 1 semaine pour m'en parler. Elle me ment durant la semaine en me disant qu'elle est allée travailler. En réalité, elle a des rendez vous un peu partout... Le dimanche matin suivant, je découvre un message sur mon téléphone, un message qu'elle a écrit à 4h et qui commence par "Maman, tu ne vais pas aimer ce que tu vas lire".
Je reste sans voix et je m'écroule.
A la suite de cet accident, elle semble tenir le choc, elle se dit forte, se croit forte, mais très vite elle va s'apercevoir qu'elle ne pourra pas faire semblant longtemps.. alors elle lâche son boulot. Elle promet de revenir quand ça ira mieux.
Ce job lui plait.. mais elle n'y arrive plus.. elle ne se lève plus. Elle alterne des périodes normales avec d'autres où le sommeil est son seul refuge. A cet état dépressif s'ajoute sa narcolepsie. Et comme un fait exprès, ses nuits sont de plus en plus longues... et la durée de ses journées ne lui permettent plus de faire grand chose. Pour décembre, j'arrive enfin à la motiver à retrouver un job.. cette vie au chômage ne peut plus durer.. un loyer, un crédit.. je ne peux pas assurer pour elle...Mes possibilités ont des limites et sont déjà allées bien loin !
Semaine du Black Friday, elle trouve un job de vendeuse dans une boutique de produits de beauté masculins... ca lui plait, elle s'éclate et ses résultats sont bons... Mardi, mercredi, jeudi, vendredi.... et arrive le samedi matin...
Je l'appelle, je l'appelle, je la harcèle. A 11h, elle fini par me répondre en chuchotant "maman, je travaille, je ne peux pas te parler" et elle raccroche.... depuis des mois, des années, je suis pendue à son messenger ou à whathap pour savoir depuis combien de temps elle n'a pas été connectée.. Un bon indicateur. Alors je sais qu'elle ne travaille pas et qu'elle dort à cette heure précise... Je fini par déclarer forfait après plus de trente appels... C'est elle qui m'appelle le soir, en larme, il est 19h30... elle est virée. Ils ne peuvent pas compter sur elle.. elle ne s'arrête plus de pleurer.
Elle a bien essayé de négocier avec la cheffe. Peine perdue, on peut pas compter sur elle, lui faire confiance, même si ses résultats sont très bons. Mon coeur est aussi en miettes que le sien... et elle culpabilise car elle me rend malheureuse et moi, je culpabilise de lui mettre cette pression en plus.
Elle repart au chômage...ses recherches s'axent sur des jobs pas très loin, sur des démarrages tardifs le matin. A bout, elle accepte de reprendre son travail de recruteur de donateurs qu'elle aime et où elle trouve un sens, un équilibre
et des responsable bienveillants.. Mais même avec tout ça, des patrons compréhensifs, sa mère qui la réveille, sa meilleure amie qui la réveille de Paris, elle ne se réveille pas, ou du moins pas tous les jours.
Des jours, elle se couche à 1H et se réveille à 21h.... Je n'ai jamais vu de nuits aussi longues..
Et elle pleure car les jours off où elle pourrait faire des choses, elle dort et ne voit pas le jour.
Et moi à 400 km, je m'inquiète
Alors je lance un appel.. si quelqu'un passe par là, sait on jamais, qui connait cet handicap.. e susi dispo pour partager et ainsi aider ma fille à trouver une solution.
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