PARTAGE


Merci LP... il saura pourquoi...


Je l'avais oublié, depuis le temps.. pourtant, plus d'une fois je suis retournée sur les lieux, dans l'espoir de le revoir.
Etait-ce malsain d'espérer le revoir? Bien vivant, mais toujours dans la rue....
Sous les arcades, mon coeur a fait un bond; il était là, son angle avait changé, toujours dans ce même coin, mais orienté différemment. Il me faisait face, mais ne me voyait pas, égaré dans son monde et moi dans le mien.
Personne ne semblait le voir, si bas, avachis. Lui, regardait les mollets indiférents qui passaient. De temps en temps, il se penchait pour voir derrière lui, derrière l'angle du poteau qui lui servait d'abris.
A cette heure avancée de l'après midi, l'ambiance était lourde.
Passants, circulation, cris...
J'étais debout, face à lui, à quelques mètres et je devais me ressaisir, décider.
Je suis d'abord restée sur place, j'ai préparé mon appareil et pris à la hâte quelques clichés qui se révéleront flous.
La banque et son entrée toute proche m'offraient un point de vue de voyeur, de ceux qui veulent voir sans être vu.
J'ai posé mes paquets qui a présent m'encombraient. Et j'ai visé. J'étais PARTAGÈE entre malaise et joie profonde. Un jeune couple m'a regardé puis un peu plus loin s'est arrêté observer mon manège. Je n'ai pas su lire dans leurs yeux, j'étais déjà loin de toutes ces considérations venues de l'extérieur, à savoir être jugée. L'homme m'a souri, peut être a-t-il vu la même chose que moi. Puis ils ont continué leur chemin.
Ma préoccupation du moment était d'avoir une image nette, à peu près cadrée, sans les passants ... je suis restée un long moment à shooter entre les jambes.
Mais j'étais encore un peu loin et le fait de grossir au maximum impliquait de ne pas bouger du tout, même si l'appareil était réglé correctement.
C'est là que mon échange de mail avec la modératrice du site photos de Libé m'est revenu. Le jour où j'ai voulu lui envoyer ce même homme en hiver, sa réponse presque incendiaire m'avait vexée au plus haut point. En gros elle me reprochait ce genre de cliché froid, qui, selon ses termes, était "un sujet convenu (je n'ai pas compris la signification), que lorsque l'on se risquait à prendre de telles photos, il s'agissait de tenter de faire un portrait, de se rapprocher d'eux pour mieux les comprendre, savoir pourquoi et comment ils s'étaient retrouvés là, en gros un travail de photo reporter. Mais je ne suis qu'amateur, et les amateurs n'ont pas le droit à ça!
J'avais cru bon de me justifier en lui signifiant qu'elle se permettait de me juger sans connaître les conditions dans lesquelles cette photo avait était prise.... Mais ce jour là j'ai été blessée.
J'ai ramassé mes paquets et me suis approchée de lui, en fouillant dans mon porte monnaie à la recherche d'une pièce décente pour son chapeau. Je me suis accroupie à sa hauteur et en baissant la tête, il a ôté sa casquette pour me remercier.
"Monsieur, je me suis permise de vous prendre en photo, par ce que je vous trouve beau".
Il a peut être pensé que je me moquais de lui car il m'a regardé, avec malice, un sourire au coin des yeux "Ah bon?"
"J'espère que ça ne vous dérange pas?" Il a secoué la tête.
"Je vous ai vu cet hiver, vous étiez déjà là."
Il m'a regardé bien en face et m'a répondu dans un souffle : "je vous attendais.. " et il a rigolé. J'ai ris avec lui.
"D'habitude, il y a une dame avec un lapin en face de vous. elle n'est plus là?"
"Elle est partie", m'a-t-il répondu, "elle part à 6h, c'est son heure".
Tout d'un coup mon attention fut attirée par un mouvement sur sur la gauche.
"tiens, vous avez de la visite!"
Il a tourné la tête et l'a vu. Il a sortir d'un paquet un petit bout de brioche qu'il a émietté dans sa main.
Le moineau sautillait gaiement, juste à côté de son genou. Il semblait confiant, presque apprivoisé.
Aussi doucement que possible, j'ai reculé et rallumé mon appareil
"Je peux?"
Il a murmuré, rien que pour moi "Oui, mais tout doucement, ne faites pas de bruit"
J'ai eu peur que le déclic ne brise ce moment si exceptionnel, ce moment de PARTAGE.
L'oiseau est venu se poser sur le genoux de l'homme qui, du bout des doigts présenta sa miette de brioche.
Et j'étais là, en communion avec eux, l'espace d'un instant où le monde tout autour aurait pu s''écrouler.
De l'extérieur, cette image a du paraître insolite. Cette femme, habillée de noir, en talons hauts, prête à sortir pour la soirée, au même niveau que cet homme de la rue et de son moineau. Je parie que la photo aurait été sympa....
Une vive émotion dans le coeur quand l'oiseau est reparti. je me suis relevée. Suis retournée plus près et l'ai remercié mille fois.
"ya pas de quoi" m'a-t-il dit, tout simplement en baissant une fois de plus sa casquette pour me présenter son cane chauve.
Je pense qu'il n'a pas compris pourquoi je le remerciais aussi chaleureusement.
je le remerciais de ce partage, de ce moment d'intense bonheur qui m'a submergé durant ces quelques minutes figées pour l'éternité.
Je suis repartie, le c oeur extrêmement léger, les yeux brillants.
J'ai répondu par la pensée au mail de cet hiver.

"Madame,
j'ai pris du temps pour parler et partager quelques instant avec l'homme de la rue... je vous remercie. C'est vous qui m'avez poussé à le faire, sans le savoir et je vous en remercie du fond du coeur. Grâce à vous, j'ai connu un moment d'exception qui me restera gravé à Jamais."

Cordialement

Barbara

Bon, il fallait à présent que je me dépêche, Fanfan m'attendait, je ne voulais pas être en retard.....



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Commentaires

Claudio a dit…
Pour ce que j'ai vu jusqu'à présent nos productions sont un peu en deçà cette semaine.
Mais il fallait ouvrir l'éternité de l'instant pour balayer ces impressions.
On ne peut pas coller plus au sujet qu'avec cette photo.
Le récit en plus et nous voilà conquis.
Merci Barbara.
il y a des moineaux qui supplantent les pigeons sans problème.
mcbarbara a dit…
Touchée!
Merci
Godnat a dit…
Magnifique et émouvant, la photo et surtout le récit. Merci.
Sar@h a dit…
Ça me rappelle une photo de Pacha. Je ne donne jamais d'argent parce que j'ai le sentiment d'acheter. Je prends un peu plus en faisant le marché (fruits, viennoiserie, fromage), et je partage.
Le jour où j'ai pris Pacha en photo, c'était une viennoiserie … Quand j'ai expliqué à la vendeuse, elle m'a regardé, souri et avec un regard complice puis "Tiens, je vais lui en offrir une aussi !"
La suite par courriel.
Bonne semaine
nikkos a dit…
Très belle photo, comme toujours ;-)
joye a dit…
Superbe !!!
Anonyme a dit…
Alors d'abord la photo. Elle m'a semblé incarner un mot que j'ai ramené de mes années ouest de la France, mot que j'adorais tant j'aimais et aime toujours sa puissance d'évocation : il est benaise.
Il est benaise, cet homme, je me suis dit en regardant.
Benaise, c'est un mélange de cool, bien, peinard, paisible, serein.
Voyez quoi.
Et puis après, je lis la "légende", terme ici qui prend tout son sens, et je termine comme un con la lecture avec la chair de poule tellement tout cela est impressionnant, impressionniste, saisissant, partagé, partageant, partageur.
Respect :-)
Et chapeau bas puisque même tes textes nous filent des images dans la tête pendant que tes photos semblent écrire des livres ;-)
barbara a dit…
Il y a des photos qui nous plaisent, des photos qui nous amusent, des photos qui nous émerveillent et des photos qui nous émeuvent....
Depuis mercredi que cette photo est prise, vous ne pouvez pas savoir l'impatience que j'avais de vos la présenter.
Pour certains elle peut paraître sympa, juste sympa
pour d'autre audacieuse...
pour d'autres indécente....

pour moi elle est symbole, elle fut révélation, don, bonheur, partage... tout ça à la fois!

Certains de vos commentaires m'ont touché, encore un don que l'on m'a fait, un cadeau que je reçois avec toute ma sensibilité... Didier parle de chaire de poule, chez moi, c'est plus que ça...

merci en tous les cas de l'avoir aussi bien accueilli.... elle restera pour moi dans mes photos importantes. Un peu grâce à vous!
suzanne a dit…
Magnifique ! J'apprécie surtout en lisant ton récit si vivant ! :-)
Jaca a dit…
Tu as oublié la foule et son regard, ta photo a caché la solitude, et le petit oiseau confiant et son vieil ami...m'ont attendris au maximum !...
Ton récit est touchant ...simple et vrai...et je t'aime beaucoup!
Merci Barbara pour ce partage!
ani a dit…
très joli ce moment;

autre chose;
je voulais essayer, quand on clique sur ani dans ta liste ça ne "marche" pas;
bonne journée,
ani a dit…
j'ai peut être compris,
dans ta liste,il manque 1 flash à mon adresse !(je crois que l'on dit comme ça pour les barres en travers ?)
Françoise a dit…
Bonsoir Barbara,

Je viens enfin de lire ton texte qui accompagne cette si belle photo, je n'avais pas encore eu ou pris le temps. Ton récit est poignant, cet homme est beau, et le petit moineau en plus... Bravo, Barbara, un très gros bravo ! J'aime énormément, et la photo, et tes mots l'accompagnant. Tu écris toujours aussi bien... car tu écris avec le coeur.

Belle fin de soirée à toi, et de très gros bisous.
LP a dit…
Il fait froid, les restos du coeur auront du mal cette année...
Pensées pour les "invisibles".
J'espère que Bernard s'est mis à l'abri.

Bises

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