Fin de vie

 Nous y sommes.. en fin, je crois bien..

Oui, je crois bien que c'est la fin... l'histoire de quelques jours et je serai orpheline. Je n'aurai plus père, ni mère... Maman est entrain de glisser et ne s'accroche plus à la vie.

Les jours se suivent et l'état s'empire. Après avoir passé des jours à pleurer à appeler sa mère, mon père, son père, à présent sous neuroleptiques et morphine, elle ne fait que dormir, dormir et lorsqu'elle est réveillée elle geint... Ses yeux sont fermés et ne s'ouvrent plus. Enfoncés dans ses orbites, 2 fentes froissées rappellent qu'il y a encore peu des yeux ouverts communiquaient, regardaient, cherchaient et même souriaient. Son visage est creusé, un peu plus...Son appareil dentaire ne retrouvera plus sa place dans cette bouche fermée, ces mâchoires serrées qui ne s'ouvrent plus juste parfois, pour laisser passer les médicaments écrasés dans une cuillère de compote. 

Elle tousse roque et encombré. Son visage est tourné sur le côté, reposant sur une serviette de bain. Et du matin au soir, à la caméra, c'est l'image que j'ai.

Sa poitrine se relève régulièrement parfois secouée par une toux très grasse. Son corps immobile, sous les draps, parfois s'arc boute comme frappé par une décharge... Son genou remonte et se rallonge et son visage se crispe et de sa bouche s'échappe des pleurs.

Je suis à côté d'elle je lui prends la main.. elle est là, mais plus vraiment. Pourtant elle nous entend et essaye de répondre quand on lui pose des questions simples. Je lui dis que je l'aime, et je lui demande si elle m'aime. Alors je lui dis de me le dire, "je t'aime, je t'aime, je t'aime" s'évadent de ses lèvres qui ne se desserrent plus. Mais je sais qu'elle me le dit et qu'elle sait ce qu'elle dit.

je lui chante des chansons de mon enfance, "le petit âne gris", je lui mets du Barbara, "Belle" de Notre Dame de Paris.. des morceaux qu'elle aimait et dont je me souviens et puis, tandis que tout doucement, je lui caresse sa main décharnée où sa bague en pointe semble désormais énorme, je démarre "Le petit prince" par Gérard Philippe.. souvenir de mon enfance de cette période où j'étais encore petite fille et que c'est elle qui prenait soin de moi. Cette voix familière, rassurante, raconte, narre et je répète avec lui les paroles que je connais presque par coeur. Je pleure doucement, sans un bruit, consciente que ces heures que je passe sont sans doute nos dernières heures complices.

Demain, le médecin viendra et nous dira. Toute le paradoxe de la situation.. elle est là et nous entend, nous comprend et moi, j'aimerais qu'elle parte parce que ce n'est pas une vie, ni pour elle, ni pour nous.

Elle semble déjà à cheval sur 2 mondes.

Hier, elle répétait j'ai peur, j'ai peur"... Maman, de quoi as tu peur? "J'ai peur, j'ai peur..."... et elle a fini par le dire.. "j'ai peur de mourir" ...

Oh si tu savais maman, si tu savais comme j'ai peur aussi que tu meurs. Je vais être seule, orpheline, comme seule dans cette ville que nous partagions depuis toujours.. Lorsqu'à Noel, il y a un an et demi tu es partie faire Noël à Chamonix, en te laissant à l'aéroport et en rentrant à la maison, chez moi, j'ai ressenti ce vide.. papa était mort et toi, tu t'éloignais pour une semaine... Alors imagine ce jour où, tu partiras pour le grand sommeil, ce vide immense que tu vas laisser dans ta ville, dans ma vie, dans mon coeur...

J'ai pas le souvenir d'avoir eu tant mal au départ de papa.. J'étais prête.. Là, tout est allé bien trop vite et je pensais que tu aurais encore de jolis moments à vivre avec moi, avec nous..

Tu ne vas pas voir ma fille se marier, pas voir tes futurs arrières petits enfants....

Je me souviens de mes 50 ans où j'ai un pesté d'être confinée et de n'avoir que toi pour le fêter.. je ne le savais pas, mais c'était un privilège que de n'être qu'avec toi pour fêter ce demi siècle.. et je n'en n'ai pas assez profité.

Je parle déjà au passé tandis que je parle te toi, comme pour apprivoiser ce futur proche qui sera sans toi....

Je suis forte mais je sens que je ne vais pas tarder à m'écrouler.


je pense à toutes ces personnes a qui te vas manquer, à nous, à tes amis, ta famille mais tellement aussi à ta jolie Poussinette. Ta petite minette qui aura été ta compagne de cette dernière année. Un petit ange gardien qui doit sentir que tu t'éteins et qui ne te lâche pas.

Jour et nuit, elle est à tes pieds, allongée contre toi, sur toi, te tourne autour.. et tu sens sa présence. Je suis sure que ça te rassure et c'est pour ça que nous avons décidé que tu partirais, si cela est possible, chez toi.. entourée de Poussinette, de tes plantes, tes photos et nous, peut être...Oh maman, c'est dur d'écrire tout ça.. Mais c'est mon exutoire.



Commentaires

Françoise a dit…
Je comprends ce que tu vis, Barbara, je l'ai moi-même traversé il y a 19 ans avec ma maman, et je sais combien ces moments sont durs. On a en même temps envie de la retenir mais aussi envie de la voir partir. Profite de ces derniers instants avec elle, et continue à lui parler, à chanter, à lui faire écouter de la musique, ce sont des moments de grande émotion et privilégiés que tu partages avec elle. Tu seras ainsi plus sereine lorsqu'elle te quittera.
Je t'envoie mes pensées les plus amicales et affectueuses, et je t'embrasse fort.
Den a dit…
Ah ! vous ! j'arrive par hasard chez vous, ce sont les hasards des clics sur la Toile, et parfois, souvent je dirais on se retrouve dans les mots de celui ou celle qui a écrit. Que vos mots me touchent. Dans ce qu'ils disent, ressentent, expriment. J'ai ressenti cela également : papa en 2002 (il avait 89 ans) , maman en 2017 : elle avait 95 ans, et il y a quelques mois le papa de mes filles, le papy de mes petits-enfants ... j'étais séparée de lui depuis 25 ans : mariés depuis 32 ans, ce n'est pas rien, et nos relations demeuraient celles d'un premier et grand amour.. et puis la vie... l'envie pour monsieur de s'essayer à autre chose sans y parvenir vraiment. C'est ainsi. Les regrets, les remords... une vie stoppée net pour moi, (ma fille aînée est à ma charge)....mais je suis ici pour parler de vous, de votre billet. J'écris et je pleure en même temps car ce que vous écrivez est tellement beau. C'est la vie et pourtant vous la traduisez en mots que je recompose à mon image à mon histoire. Je me souviens aussi... ces instants de l'ultime de ce temps que l'on voudrait conserver à jamais calme et serein, ou voir disparaître car l'aimé(e) ne correspond plus à son image.. à ce que nous en connaissions... j'écris comme je ressens directement sur la page. Excusez peut-être mon expression, mais je voulais vous dire que je vous comprends, Barbara écrit Françoise chez qui je me promène souvent... son message de mai 2021, c'est donc récent... ce qui m'a touchée chez vous ce sont ces instants où vous lui parlez, vous chantez pour elle... l'instant semble figé, mais elle vous entend elle sait que vous êtes présente en cet entre-temps, cet instant suspendu, avant le miroir, de l'autre côté... c'est important de pouvoir dire ces choses-là, qui permettent de ne rien regretter, d'avoir été là pour lui insuffler votre respiration, jusqu'au bout de cette "éternité de l'instant"... il faut apprendre à vivre cet après qui ne finit pas, qui n'a plus de limite, qui n'oublie pas, qui continue de ressentir cet amours à jamais, et peut-être tenter de ne conserver que la beauté des choses !
merci Barbara. Je vous envoie mes amitiés sincères en ce mât-teint réveillé trop tôt, mais renforcé par la beauté de votre écrit.
Je reviendrai plus tard lire vos autres billets au gré de nos cheminements sur l'Etoile Âmie.
Gine a dit…
Plus de nouvelles... Je pense que l'inexorable est arrivé. Je reste en pensée avec toi, amicalement.
barbara a dit…
Bonjour à vous 3 qui m'avez laissé de si doux messages, Françoise, Den et Gine.
Il est vrai que depuis le mois de mai je n'étais pas venue écrire ici.
La vie est parfois si surprenante.
En relisant ce post, je réalise que rien n'est jamais fini tant le souffle de la vie n'a pas quitté le corps.
Aussi extraordinaire que cela puisse paraitre, ma maman va bien aujourd'hui. oUi, vous lisez bien.. Alors que je l'enterrais presque en mai, la voilà plutôt en forme.
En forme relative bien évidement puisque toujours alitée, hémiplégique mais elle s'alimente très bien, toute seule, bois, fume une cigarette de temps en temps.
En fait, cet état végétatif était dû à un surdosage de médicaments, notamment de morphine.
Elle pleurait beaucoup, se plaignait de douleurs multiples, appelait sa mère continuellement alors le médecin pour soulager ses souffrance physiques et psychiques l'avait placée sous neuroleptiques et morphine mais les doses n'étaient pas adaptées.
Et dire que nous étions presque près à demander au médecin une sédation lente pour la laisser partir en paix.
Je comprends aujourd'hui un peu mieux tout le début autour de l'euthanasie...
Nous avons failli faire une grosse bêtise. Heureusement que son médecin de famille (que je trouve un peu léger parfois) a su nous mettre en garde en nous disant que lorsque ce serait le moment, c'est elle qui nous le dirait à sa façon..
Plus de morphine et les neuroleptiques à plus petites doses et c'est comme si nous avions arrosé une plante desséchée et oubliée dans un coin.. de jours en jours nous avons vu les progrès jusqu'à ce qu'elle retrouve le sourire, l'appétit, la parole...
Incroyable. De quoi passer pour des mythomanes auprès des gens à qui nous avions dit qu'elle était mourante !
Par contre, si du côté physique les choses vont mieux, c'est dans sa tête que les choses se bousculent. Nous ne pouvons plus nous fier à ce qu'elle dit, elle raconte n'importe quoi mais c'est plutôt drôle et nous avons pris le parti d'aller dans son sens. Comme la semaine dernière, tandis que j'étais en Italie pour les vacances et que je l'appelais "Bonjour maman, tu vas bien ?" "Ca va, ça va.. mais je suis fatiguée..." "pourquoi?" "Je reviens dinde et le voyage était fatiguant".
Eh oui, elle voyage beaucoup.
les personnes qui la gèrent lui mettent souvent la 5 ou arte et tous ces beaux reportages. Elle s'approprie chaque histoire, chaque chose qu'elle voit ou qu'elle entend et en fait son histoire. Je préfère comme ça :)

Du coup, j'ai pu partir 10 jours en vacances, la sachant bien entourée.
Un bien fou !
je vais poster bientôt des images de cette si belle Côte Amalfitaine !

Merci à vous 3 pour votre gentillesse et votre douceur qui m'ont fait un bien fou à lire.
Rassurez vous, je vais bien.
Même si je redoute les prochaines étapes comme celle où maman ne me reconnaitra plus... mais pour le moment, tout va bien.

Le bon côté de choses dans cette histoire c'est qu'hier c'était le 3ème anniversaire de la mort de mon papa... Maman n'y a même pas pensé.. elle est déconnectée du temps et de l'espace.
De toutes façons, je susi certaine qu'il veille sur elle.

je vous embrasse...

Barbara

Posts les plus consultés de ce blog

INDE 3

BALI - Jour 4

Bali - Jour 3